Dans une lettre au ministre de l'Intérieur du 27 vendémiaire an VII (18/10/1798), les administrateurs du département de la Loire inférieure écrivent que malgré le zèle du professeur [de Grammaire Générale], un bien petit nombre d'élèves s'est présenté à son cours, et ils ajoutent que pour les retenir, il y a joint des leçons de mathématiques.

À Paris, en revanche, ce professeur de Grammaire Générale à Nantes, Étienne Poirier, est considéré comme un exemple éminent de sa profession. Dans son rapport du 18 thermidor an VII (5/8/1799), le responsable du Conseil d'Instruction publique se moque de la remarque des supérieurs de Poirier en constatant que ce professeur n'a employé des exemples tirés de l'analyse algébrique que pour faire sentir l'artifice de l'analyse logique [...]. En outre, son plan est jugé comme ce que nous avons de mieux jusqu'à présent sur cette matière. L'œuvre de base des cours de Grammaire Générale à Nantes est celui de Condillac. Poirier impressionne le Conseil d'Instruction publique par la description détaillée de son cours: c'est un modèle de science et de raison.

Dans ce même plan, Poirier commence par l'analyse du mot grammaire ainsi que par la recherche de l'origine du langage. S'ensuit l'examen des sens, l'exposition de l'importance des sciences mathématiques et la présentation du développement de l'écriture. Le plan aboutit à l'analyse détaillée des mots et de la syntaxe.

   

Lors de la séance d'ouverture de l'École Centrale, Poirier situe la Grammaire Générale dans un contexte plus complexe. Il voit la racine des progrès de l'humanité dans la Grammaire Générale: c'est elle qui, basée sur la métaphysique et la logique, doit nous apprendre à nous servir des instruments que l'être suprême a mis à notre disposition, en nous apprennant à les bien connoitre. Elle embrasse toutes les sciences.

Malgré ces liaisons théoriques et malgré le jugement favorable du Conseil d'Instruction publique, les cours de Grammaire Générale à Nantes connaissent des problèmes très quotidiens: le nombre des élèves n'est pas très élevé et il varie souvent. Poirier ne cache pas ce fait dans les réponses au ministre de l'Intérieur et en voit clairement les raisons: Cette année, par exemple, j'en ai une douzaine qui suivent constamment et avec application. Les autres viennent de temps en temps quand les occupations de leur état le leur permettent. Une des principales causes de la diminution du nombre des élèves à la fin de chaque année surtout dans les cours supérieurs, tient aux circonstances actuelles qui ne permettent pas aux jeunes gens de reprendre et de suivre assiduement [!] leurs études. ils sont presque tous forcés à se livrer de bonne heure à l'état qu'ils adoptent; et les uns prennent parti dans la marine, d'autres dans les hopitaux, d'autres dans le Commerce, le Militaire, &c.

 
  Vitrine 5        
           
      8 Couvent des Ursulines, ancienne École centrale de Nantes, cour intérieure.
Dessin attribué au baron de Wismes, avant 1887.
Cliché: Société archéologique de Nantes et Loire-Atlantique. François Simon / Archives départementales de Loire-Atlantique - France.