Victor, l'enfant sauvage - mythe et réalité
Brigitte Schlieben-Lange en tant que Dix-huitièmiste
Brigitte Schlieben-Lange
La révolution de la langue et de l'instruction
Comment former des enfants sages?
Stendhal, 'enfant sage' à l'École Centrale de Grenoble
La formation du discours: La Grammaire Générale dans les Écoles Centrales (1795-1802)
Le sujet de l'expérience pédagogique: l'enfant sauvage de l'Aveyron
Destutt de Tracy et les Idéologues
Comment former des enfants sages?
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  1 Victor, l'enfant sauvage - mythe et réalité  
  Panneau / Wandtafel:  
     
  Illustrations / Bilder:  
 
  • L'enfant sauvage dans l'imagination des contemporains de 1801.
    Dessin anonyme du temps
  • L'enfant sauvage dans l'imagination des contemporains de 2001.
    Page prise dans le livre pour enfants du dessinateur de bandes dessinées Mordicai Gerstein: Der wilde Junge. Erzählt nach der wahren Geschichte des Wolfsjungen aus dem Aveyron. Stuttgart: Verlag Freies Geistesleben 1999, p. 34. (Don de la maison d'édition)
  • Le médecin des sourds-muets Jean-Marc Gaspard Itard et le médecin Philippe Pinel examinent Victor, l'enfant sauvage.
    Scène du film "L'enfant sauvage" de François Truffaut (1969).
 
  Texte / Text:  
 

L'enfant qui a grandi sans apprendre de langue était autour de 1800 une question essentielle (Brigitte Schlieben-Lange, 1981) pour la philosophie et pour les sciences de l'homme.

Les philosophes et les savants de la fin du dix-huitième siècle n'ont cessé de se demander de quelle manière l'homme acquiert ses connaissances, comment il parvient à parler et quel est le rôle de la société dans son développement. Ils n'ont cessé de croire à la possibilité d'isoler de tout contact humain des nouveaux-nés pour observer leur développement intellectuel et linguistique et pour déterminer ce que l'homme doit à ses propres capacités, d'un côté, et à son éducation, de l'autre. C'est la raison pour laquelle les enfants privés de la capacité de parler attiraient fortement l'attention des scientifiques. Comment les enfants sourds-muets formaient-ils des idées par rapport aux enfants qui entendaient? Étaient-ils, comme ceux-ci, capables de former des idées complexes et abstraites? Leur langage gestuel n'était-il pas la première étape du développement de toute langue? Quelle était la somme des idées acquises par les nombreux enfants abandonnés dès leur plus jeune âge par leur famille et obligés de vivre seuls? Était-il possible de leur apprendre à parler? Ce sont des questions auxquelles on aspirait à répondre de la manière la plus détaillée possible en se basant uniquement sur des faits préalablement observés. Le but était de reconstituer la naissance des idées et de la langue à partir de cas concrets qu'on considérait comme une sorte d'extrait du développement du genre humain. C'est pourquoi les professeurs de Grammaire Générale des Écoles Centrales nouvellement créées en 1795 en discutent, car ils ont pour tâche de faire découvrir à leurs élèves tout ce qui se passe en eux quand ils pensent, parlent et raisonnent.

L'apparition de l'enfant sauvage était donc philosophiquement bien préparée (Hans Blumenberg, 1989) lorsque, au début de l'année 1800, un petit garçon qui avait apparemment vécu dans les forêts et qui ne parlait pas, fut capturé dans le département de l'Aveyron. Le jeune médecin de l'Institution Nationale des sourds-muets, Jean-Marc Gaspard Itard, prend en charge l'éducation de cet enfant sauvage et présente ses résultats devant la Société des Observateurs de l'homme dans un premier mémoire de 1801 (De l'éducation d'un homme sauvage ou des premiers développements physiques et moraux du jeune sauvage de l'Aveyron), et dans un deuxième en 1806 (Rapport fait à son excellence le ministre de l'Intérieur sur les nouveaux développements et l'état actuel du sauvage de l'Aveyron). Destutt de Tracy, le chef de file d'un groupe de chercheurs appelés Idéologues, avait réclamé qu'on observe un enfant sauvage avec les précautions nécessaires et les détails suffisants (Élémens d'idéologie, 1801). C'est Itard qui répondra à cette exigence dans ses mémoires.

François Truffaut s'inspire des rapports d'Itard et tourne sur le sujet le célèbre film L'enfant sauvage (1969), qui a profondément marqué notre image de cet enfant. Le metteur en scène lui-même y joue le rôle du docteur Itard, tout en se servant de plus de cinquante citations puisées dans les textes originaux.
La discussion du cas de l'enfant sauvage de l'Aveyron persiste jusqu'à nos jours, donnant lieu à de nombreuses publications.

L'exposition montre quelques éléments de l'éducation de l'enfant sauvage tout en les intégrant dans la discussion linguistique de l'époque.